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Découvrez autrement l’œuvre de Niki de Saint Phalle avec "Le Bestiaire magique" à Aix-en-Provence

Découvrez autrement l’œuvre de Niki de Saint Phalle avec "Le Bestiaire magique" à Aix-en-Provence

Elle trône, majestueuse, dans la première salle de l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence. Une Nana de Niki de Saint Phalle, avec ses formes généreuses, ses couleurs flamboyantes, sa petite tête… mais aussi ce serpent qui l’enserre. Le musée aixois accueille une exposition dédiée à l’artiste intitulée Le Bestiaire magique. Si elles représentent une période importante de sa carrière, il serait toutefois réducteur de limiter l’œuvre de Niki de Saint Phalle à ses seules Nanas. Autodidacte, figure majeure du nouveau réalisme, elle propose un catalogue protéiforme, dont l’exposition offre un échantillon représentatif.

"Faire saigner la peinture"

À commencer par la série des Tirs. "Elle a l’idée de vouloir “faire saigner la peinture" », explique Laura Loghrieb, médiatrice à l’Hôtel de Caumont. Cette intuition se matérialise finalement "après avoir tiré à la carabine dans une fête foraine. Le premier tableau qu’elle réalise est un fond blanc sur lequel elle jette des spaghettis, des œufs… Elle prépare de petites poches de peinture, les fixe à la toile, puis tire à la carabine. Au moment où ça éclate, elle tient son idée. Par la suite, elle fait de l’accumulation avec des objets contemporains: des avions, des têtes de mort, des poupées et beaucoup de crocodiles."

Les traumatismes du passé

Comprendre l’œuvre de Niki de Saint Phalle et les messages qu’elle y inscrit, c’est aussi plonger dans son histoire. Issue d’une famille bourgeoise, elle doit composer avec une mère absente et, surtout, un père incestueux. Un drame longtemps occulté, mais qui rejaillit dans son art. "C’est pour cela qu’on trouve autant de serpents dans ses œuvres. Ils représentent cet été où elle a été victime de son père. Pour elle, le serpent est à la fois l’animal tentateur et rédempteur, un symbole de renaissance", poursuit la guide. La figure masculine s’apparente alors à celle du monstre. Plasticienne et sculptrice, Niki de Saint Phalle crée des œuvres peuplées d’êtres hybrides, inspirés de la mythologie (le Minotaure) ou de la pop culture (Godzilla), sur lesquels elle projette une symbolique masculine. Des grappes de raisin à l’entrejambe ou des carottes dressées deviennent les symboles d’une virilité agressive, destructrice.

Conte des fées féministes

Parmi les œuvres présentées à Aix, quatre bas-reliefs traitent par ailleurs du conte de fées… mais à la manière de Niki de Saint Phalle: de façon sombre. "Elle ne veut pas de princesse: elle veut une héroïne. Elle se marie, elle a tout ce qu’il faut, mais l’homme a une forme de diable", explique encore Laura Loghrieb. "C’est une constante chez elle: elle utilise toujours une forme animale pour représenter les hommes. Elle disait d’ailleurs que lorsqu’ils sont amoureux, ce sont des bêtes, et quand ils sont en colère, c’est le monstre en eux qui déborde." Sur ces tableaux, la matière est omniprésente. La peinture devient sculpture, loin des codes académiques.

Une salle est également consacrée "aux accoucheuses", avec notamment La Femme éclatée ou L’Accouchement du taureau. "Ici, elle joue sur le côté monstrueux, provocateur et dérangeant. Elle veut montrer aux hommes qu’accoucher, c’est souffrir – d’autant plus dans les années 1960, où il n’y avait pas de péridurale. À cette époque, le corps des femmes ne leur appartient pas: l’avortement est interdit par la loi."

"Nanas" engagées

Juste après ces œuvres lourdes de sens, un tout autre univers s’ouvre au visiteur: une salle représentant toutes les composantes de l’univers de Niki de Saint Phalle. Un espace haut en couleur, où dominent le bleu, le vert, le blanc et le noir. Dans ces représentations, un oiseau. "Si l’on devait apparenter Niki de Saint Phalle à un animal, ce serait un oiseau. Elle disait que, petite, elle vivait dans une cage dorée et qu’en grandissant, elle a libéré ses ailes." Enfin, apparaissent les Nanas. Les premières ont la peau noire. "Elle a soutenu la cause de Martin Luther King. Elle a une Nana très connue qui s’appelle Rosa, comme Rosa Parks." Au deuxième étage de l’Hôtel de Caumont, les Nanas trouvent toute leur place. "Ce sont des femmes libres et indépendantes, en harmonie avec la nature. Elle disait: “Le Black Power existe, pourquoi le Nana Power ne pourrait-il pas exister?’’" Cœurs, fleurs, motifs éclatés ornent ces Nanas, des "femmes déviantes à la petite tête, dont la simple présence suffit à imposer un changement. Quand elles sont là, il se passe quelque chose. Une façon de dire que le matriarcat serait plus bénéfique à notre société." Comprendre cela, c’est comprendre tout le travail de Niki de Saint Phalle.

Savoir+

Caumont - Centre d’Art, Aix-en-Provence. Jusqu’au 5 octobre. Ouvert tous les jours de 10h à 19h. 16 euros, réduit de 11,50 à 15 euros.

Var-Matin

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